Thèse Marie Margeride Garnier

31 mai à 10h30 au Pavillon Baudot (Hôpital Purpan, salle de conférences).

Titre : La synesthésie chez l'enfant : prévalence, aspects développementaux et cognitifs.

Co-direction : Michèle Guidetti et Jean-Michel Hupé (CerCo, CNRS/UPS)

Jury de thèse :

Evelyne THOMMEN (rapporteur ; Professeur des Universités à Lausanne)
Mark PRICE (rapporteur ; Professeur des Universités à Bergen)
Stéphanie MATHEY (membre du jury ; Professeur des Universités à Bordeaux)
Nicolas ROTHEN (membre du jury ; SNSF Ambizione Fellow à Bern)
Michèle GUIDETTI (directrice de thèse ; Professeur des Universités à Toulouse)
Jean-Michel HUPE (co-directeur de thèse ; Chargé de Recherche à Toulouse)



Résumé français 

« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles ». Si pour la majeure partie de la population ce premier vers du poème de Rimbaud n’est qu’une vision poétique, pour 3 à 4% des adultes il fera écho à un vécu. Cette minorité, les synesthètes, ont en effet la particularité lors de la présence de certains stimuli (e.g. la lettre I), d’associer une expérience supplémentaire (e.g. la couleur rouge). Cette expérience supplémentaire peut, comme dans notre exemple, venir de la même modalité sensorielle (e.g. la vision), mais aussi impliquer un autre sens (e.g. l’audition colorée). Si de plus en plus d’études s’intéressent à la synesthésie, très peu se sont penchées sur son développement en étudiant directement cette condition chez l’enfant. L’objectif de cette thèse était de mieux comprendre cette particularité, et plus particulièrement son développement à travers trois types de synesthésies : Graphème-Couleur, Graphème-Personnalité (dont nous n’avons pu mesurer qu’une forme simple : l’association d’un genre aux lettres et aux chiffres) et la représentation des nombres dans l’espace (synesthésie "Forme des nombres »). Si la synesthésie Graphème-Couleur a déjà été étudiée chez l’enfant (mais seulement dans la population anglo-saxonne) les deux autres n’ont jamais fait l’objet d’étude développementale auparavant.

Les productions graphiques (sous forme de trois exercices, un pour chaque synesthésie étudiée) de 797 enfants de dernière année de maternelle et des deux première années de primaire (CP et CE1) ont été recueillies à un temps T puis par surprise deux à trois semaines. Pour les synesthésies Graphème-Couleur et Graphème-Personnalité, sont considérés comme synesthètes les enfants dont le nombre d’associations (lettre/chiffre-couleur ou lettre/chiffregenre) similaires entre T et T2 est supérieur à la chance. Pour la synesthésie Forme des nombres, l’enfant est considéré comme synesthète si la représentation de la séquence numérique est similaire en T et T2 (exception faite des nombres rangés de façon conventionnelle : en ligne de gauche à droite). Pour tester l’hypothèse d’un continuum entre les synesthètes et la population générale, nous avons aussi étudié les associations d’enfants non synesthètes. Nous avons mis en avant les difficultés méthodologiques de l’étude de la synesthésie chez les enfants entre 5 et 8 ans. Nos résultats ne nous permettent pas d’attester de façon certaine l’existence de la synesthésie dans cette tranche d’âge. Mais nous avons observé une augmentation du nombre de synesthètes potentiels par niveau scolaire, et un niveau de constance bas de leurs associations par rapport à ce qui est observé chez l’adulte. Comme les enfants connaissent bien les lettres et les nombres, du moins en CE1, on peut penser que ces synesthésies ne sont pas seulement liées à l’apprentissage de l’inducteur en tant que tel. Mais elles pourraient se développer en parallèle d’apprentissages complexes (comme le calcul ou la rédaction), ou en suivant le développement de la mémoire et de l’imagerie mentale.

Mots clés : synesthésie, apprentissages, enfant, développement, associations cross-modales.

 

Résumé anglais

"B has the tone called Burnt Sienna by painters"; "M is a fold of pink flannel". If for most of the population these descriptions by Vladimir Nabokov only suggest a poetic vision, for 3% or 4% of adults it will remind them of their own experience. In fact this minority, the synaesthetes, have the peculiarity when certain stimuli are presented (e.g. the letter B) of associating a supplementary experience (e.g. a shade of red). This supplementary experience can, as in our example, come for the same sensory modality (e.g. vision) but can also involve other senses (e.g. coloured audition). If an increasing number of studies is interested in synaesthesia, only a handful of them looked at how it develops by studying it directly in children. The aim of this thesis was to better understand synaesthesia, and more particularly its development through three types: Grapheme–Colour, Grapheme–Personality (We could only measure a simple form: the association of gender to letters and numbers) and the spatial organisation of numbers ("Number-Line" synaesthesia). If the Grapheme-Colour synaesthesia has already been studied in children (but only in the Anglo-Saxon population) the other two have never been the subject of a developmental study so far.

The graphical representations (for 3 exercises, one per studied synaesthesia) from 797 children from Kindergarten, 1st Grade, and 2nd Grade were collected twice: once at time T1 and then two or three weeks later with a surprise test (T2). For Grapheme-Colour and Grapheme-Personality synaesthesia, children are considered as synaesthetes if the number of similar associations (Letter/Number-Colour or Letter/Number-Gender) between T1 and T2 is superior to chance. For number-line synaesthesia, if the representation of the numerical sequence is similar between T1 and T2, the child is considered to be a synaesthete (except if the numbers are ordered in the conventional manner: in line from left to right). To test the hypothesis of a continuum between synaesthetes and the general population, we also studied the associations of non-synaesthete children. We reported the methodological problems specific to the study of synaesthesia in 5 to 8 years old children. We could not definitely attest the existence of synaesthesia in this age group. But we observed a growing number of potential synaesthetes in each grade, as well as a low consistency level of their associations in comparison with adults. Since children know well letters and numbers, at least in the 2nd grade, we can consider that these types of synaesthesia are not only linked to the acquisition of their inducers themselves. But they could develop during harder acquisitions (numeracy or literacy) or with the development of mental imagery and associative memory.

Keywords: Synaesthesia, learning, children, development, cross-modal associations.