Des arbres, des ondes, des chaînes. Pour une approche diffusionniste en généalogie des langues

Publié le 21 juin 2019 Mis à jour le 8 janvier 2020
le 24 octobre 2019 Salle E412

Alexandre François (Lattice, Paris) - Séminaire CLLE ERSS (14 h/16 h)

La diffusion linguistique est souvent assimilée au contact, et contrastée avec la généalogie. Pourtant, la diffusion est au cœur même de la généalogie des langues. En effet, depuis les Néo-grammairiens, la méthode comparative nous apprend à identifier des sous-groupes généalogiques sur la base d’innovations partagées ; or chacune de ces innovations, pour devenir réalité, a forcément dû d’abord se diffuser d’un locuteur à l’autre, à travers un réseau d’idiolectes mutuellement intelligibles (une « langue »). Une approche diffusionniste de la généalogie doit nous permettre de modéliser le changement linguistique tel qu'il se déroule réellement dans l'espace social et géographique des sociétés, passées et présentes.

Surtout, les isoglosses enchevêtrées, que l’on trouve typiquement dans les continuums dialectaux et les « chaînages » (linkages, Ross 1988) ne sont pas correctement prises en compte par le modèle arborescent, lequel repose uniquement sur la divergence ; en revanche, ces configurations sont facilement capturées par un modèle diffusionniste tel que la thé­orie des Ondes (Wellentheorie), centré au contraire sur le principe de convergence.

Après avoir comparé les fondements théoriques de ces deux modèles, je présenterai une nouvelle approche quantitative, la Glottométrie historique (François 2014, Kalyan & François 2018) ; celle-ci vise à libérer la méthode comparative de toute présupposition cladistique, et à la réconcilier avec une analyse diffusionniste. Le fort potentiel de la glottométrie, en tant que nouvelle méthode de généalogie linguistique, sera illustré par un groupe de langues océaniennes du Vanuatu, issu de 3000 ans de diversification interne. Nous verrons aussi que la glottométrie commence à être appliquée avec succès à d’autres familles de langues.

 

Références

François, Alexandre. 2014. Trees, Waves and Linkages: Models of Language Diversification. In Claire Bowern & Bethwyn Evans (eds.), The Routledge Handbook of Historical Linguistics, 161–189. New York: Routledge. [lien]

François, Alexandre. 2017. Méthode comparative et chaînages linguistiques: Pour un modèle diffusionniste en généalogie des langues. In Jean-Léo Léonard (ed.), Diffusion : implantation, affinités, convergence. Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, XXIV: 43–82. Louvain : Peeters. [lien]

Kalyan, Siva & Alexandre François. 2018. Freeing the Comparative Method from the tree model: A framework for Historical Glottometry. In Ritsuko Kikusawa & Lawrence A. Reid (eds.), Let’s talk about trees: Genetic Relationships of Languages and Their Phylogenic Representation (Senri Ethnological Studies 98), 59–89. Osaka: National Museum of Ethnology. [lien]

Kalyan, Siva & Alexandre François & Harald Hammarström (eds), 2019. Understanding language genealogy: Alternatives to the tree model. N° spécial du Journal of Historical Linguistics 9/1. [lien]

Ross, Malcolm D. 1988. Proto Oceanic and the Austronesian languages of Western Melanesia (Pacific Linguistics, Series C–98). Canberra: Pacific Linguistics.