Thèse BRUNET Marc Philippe

15/12 - 9 h, salle D31 (MDR)

Titre
Nous, on a notre propre idée des voyelles dans le Sud » : Étude sociophonétique de la monophtongaison de /ai/ dans le Tennessee central

Jury
Olivier GLAIN,  Professeur des universités, Université Jean Monnet Saint-Etienne (Rapporteur)
Monika PUKLI, Professeur des universités, Université de Strasbourg (Rapporteur)
DAVID BRITAIN, Professeur des universités, Universität Bern (Examinateur)
Sophie HERMENT, Professeur des universités, Université Aix-Marseille (Examinateur)
Sylvain NAVARRO, Maître de conférences, Université Paris Cité (Examinateur)
Anne PRZEWOZNY-DESRIAUX, Professeur des universités, Laboratoire CLLE, Université Toulouse II Jean Jaurès, (Directrice de thèse)

Résumé
Notre étude porte sur la variation sociolinguistique de la monophtongaison de /aɪ/ – un phénomène particulièrement saillant de la phonologie contemporaine de sud des Etats Unis – devant des consonnes sourdes (aɪU) et devant des consonnes voisées ou en fin de mot (aɪ). Notre lieu d’enquête, Murfreesboro, Tennessee, est situé à la limite d'une isoglosse où la monophtongaison de (aɪU) est courante. De plus, la ville a été le théâtre d'un développement métropolitain intense au cours des cinquante dernières années, et compte une population dont le niveau d'éducation est supérieur à la moyenne nationale. Cette situation a conduit à une opposition symbolique locale entre (a) les habitants ruraux et urbains, et (b) les habitants éduqués et moins éduqués. Notre étude s'inscrit dans le cadre théorique et méthodologique du programme PAC-LVTI ; la recherche est basée sur l'analyse de données orales authentiques et de métadonnées sociolinguistiques obtenues à partir d'un travail de terrain mené en 2019. Nous constatons que les spécificités socioculturelles de la localité se reflètent dans la variation sociolinguistique de (aɪU) et (aɪ). Dans les deux cas, les variables montrent des formes de variation systématique qui reflètent l'organisation sociale de Murfreesboro. Nos résultats révèlent que la monophtongaison de (aɪU) était un phénomène historiquement présent à Murfreesboro, dans la mesure où les locuteurs plus âgés montrent des taux de monophtongaison beaucoup plus élevés. (aɪU) ne présente aucune forme de variation sociale : la variante locale [a:] est inscrite dans un champ indexical complexe structuré autour des catégories émiques parallèles du « Sud » et de la « ruralité ». Ainsi, [a:] est considérée par les membres de la communauté linguistique comme une variable intrinsèquement rurale, ce qui entre en conflit avec des identités plus « urbaines ». De plus, (aɪU) montre une différenciation genrée significative qui se reproduit entre les générations. Nos résultats suggèrent que ce sont les locutrices de Murfreesboro qui ont mené le changement diachronique vers la réalisation de (aɪU) en [aɪ]. En outre, (aɪ) est une variable est socialement stratifiée au sein de la communauté linguistique. La classe sociale des locuteurs a été définie en prenant en compte la profession, le revenu annuel et le capital culturel des locuteurs, afin de tenir compte des dimensions professionnelle, économique et culturelle de la domination, respectivement. Le capital culturel, ainsi que le genre, interagissent particulièrement avec la variable sociolinguistique (aɪ). Nous constatons que la structure distributionnelle du capital dans la communauté linguistique conditionne considérablement la variation de (aɪ). Bien que nos différentes cohortes de locuteurs présentent toutes la même tendance à rejeter la variante locale [a :] dans des registres stylistiques plus formels, le type de capital – plutôt que la quantité – que possèdent les locuteurs détermine significativement le niveau et la régularité de leur variation stylistique.