Thèse Chiara MINOCCHERI

25 mai 2023 - 14 h, Salle D29 (MDR)

Titre
L'espace dans le corps, le corps dans l'espace: l'expression linguistique du mouvement en danse contemporaine

Jury
Catherine SCHNEDECKER, Professeure des universités, Université de Strasbourg - Laboratoire Lilpa (Rapporteur)
Walter DE MULDER, Professeur des universités, Université d'Anvers (Rapporteur)
Myriam BRAS, Professeure des universités? Université Toulouse II Jean Jaurès - Laboratoire CLLE (Examinateur)
Laure SARDA, Chargée de recherche, Laboratoire Lattice (CNRS) – École Normale Supérieure (Examinateur)
Dejan STOSIC, Professeur des universités, Laboratoire CLLE, UT2J (Directeur de thèse)
Michel AURNAGUE, Directeur de recherche, Laboratoire Lattice (CNRS) – École Normale Supérieure (co Directeur de thèse)

Résumé
Cette thèse porte sur l’expression linguistique du mouvement dans un corpus de 1200 instructions de mouvement (10348 mots) prononcées par quatre chorégraphes pendant quatre leçons de danse contemporaine de niveau avancé. La danse contemporaine n’est pas dotée d’un répertoire de pas et de figures ni d’un vocabulaire technique pour y référer. Elle se caractérise par des mouvements inédits, créés par les chorégraphes. Le langage étant un outil fondamental pour leur construction et transmission, les instructions dans la danse contemporaine sont très riches d’indications spatiales et d’expressions de manière. Après avoir introduit le cadre théorique et la problématique de la thèse (chapitre 1), présenté le corpus (chapitre 2) et détaillé les choix méthodologiques (chapitre 3), nous proposons une analyse des marqueurs linguistiques de l’espace impliqués dans les instructions de danse : constituants nominaux et prépositions spatiales (étudiés dans le chapitre 4), verbes de mouvement (chapitres 5 et 6) et expressions de manière (chapitres 7 et 8). Ces dernières sont des structures syntaxiques et des éléments lexicaux divers qui contribuent à la spécification de la manière dont les entités occupent l’espace ou y évoluent (marcher à quatre pattes). Suivant une approche fonctionnelle de la sémantique de l’espace d’orientation cognitiviste, cette étude a fait émerger des aspects peu étudiés de l’expression linguistique du mouvement. Premièrement, notre corpus a révélé un nombre considérable de verbes de changement de posture (s’asseoir, s’accroupir) et de verbes causatifs de mouvement (lancer, baisser). Alors qu’ils sont rarement abordés dans la littérature, nous en proposons une analyse détaillée susceptible d’être appliquée bien au-delà des items du corpus. Deuxièmement, une étude approfondie des expressions de manière (vous écartez légèrement les bras) a été menée au vu de l’importance de cette notion pour la création de mouvements de danse inédits. Grâce à ce volet descriptif, trois principaux modèles de lexicalisation du mouvement dansé ont émergé (chapitre 9). Le premier décrit le mouvement spontané du danseur (vous descendez). Le deuxième donne à voir le mouvement des parties du corps comme autonome (vos bras descendent), tandis que le troisième décrit le mouvement des parties du corps comme étant provoqué par le danseur (vous descendez les bras). Le recours à ces modèles dévoile des aspects inhabituels de la description linguistique du mouvement et de son rapport à la référence spatiale. Ainsi, nous avons pu observer l’emploi de structures décrivant littéralement le mouvement du danseur pour référer à des mouvements de certaines parties du corps uniquement (va vers l’avant au lieu de le buste va vers l’avant). Dans le chapitre 10, nous analysons les facteurs sémantiques et pragmatiques favorisant l’emploi de ces instructions et les confrontons à des consignes dans lesquelles la partie qui effectue le mouvement est exprimée via un syntagme prépositionnel à valeur instrumental (avancez avec le buste). Un autre fait rarement mentionné dans la littérature mais saillant dans nos données concerne les descriptions qui donnent l’autonomie au mouvement des parties du corps (les bras descendent). Dans le chapitre 11, nous étudions l’alternance entre ces structures et celles, plus courantes, qui expriment le mouvement des parties du corps comme étant provoqué par les danseurs (descendez les bras). Au-delà de ses apports descriptif et théorique à la sémantique de l’espace, cette étude a dévoilé non seulement des particularités du discours de la danse dans la construction des mouvements, mais aussi des spécificités de chaque chorégraphe et des diverses séquences dansées. Suivant l’hypothèse que le langage est une voie d’accès privilégiée à la cognition spatiale les spécificités relevées et analysées en détail, sont interprétées comme des indices des représentations mentales des mouvements dansés dans l’esprit des chorégraphes.