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Une construction difficile à analyser : Un aperçu général des constructions ‘tough’ et le cas particulier du néerlandais
Véronique Lagae, Université Polytechnique Hauts-de-France, Calhiste EA-4343 - Séminaire ERSS
Dans plusieurs langues, les adjectifs du type ‘difficile’, ‘facile’ se distinguent par le fait qu’ils permettent non seulement les constructions impersonnelle (1) et personnelle (2) avec infinitif, mais également une structure, nommée « construction ‘tough’ », dans laquelle ce livre, le complément de l’infinitif en (1-2), figure comme sujet (3) :
(1) Il est difficile de lire ce livre.
(2) Lire ce livre est difficile.
(3) Ce livre est difficile à lire.
Lors du séminaire, je donnerai un aperçu des propriétés de cette construction et des analyses qui en ont été proposées, essentiellement pour le français et l’anglais (cf. Berman 1973, Canac Marquis 1994, Chomsky 1977, Hicks 2009, Keine & Poole 2017, Huot 1981). On verra notamment que (1) et (3) ne sont pas tout à fait équivalents sémantiquement.
Je présenterai également une recherche menée en collaboration avec Marleen Van Peteghem (Université de Gand) sur les constructions ‘tough’ en néerlandais. Cette langue dispose, en effet, pour les adjectifs du type ‘difficile’ de deux structures considérées comme tout à fait différentes dans la littérature (cf. Bennis & Wehrmann 1987, Broekhuis 2013) et illustrées respectivement en (4) et (5) :
(4) Dit boek is moeilijk om te lezen
Ce livre est difficile OM TE lire ‘Ce livre est difficile à lire’
(5) Dit boek is moeilijk te lezen
Ce livre est difficile TE lire ‘Ce livre est difficile à lire’
La différence entre ces deux structures réside dans la présence ou absence du morphème OM, qui est une ancienne préposition de but, évoluée en complémenteur infinitival (cf. Haspelmath 1989). La construction en (4), où ce complémenteur est présent, est appelée par les auteurs mentionnés la « construction EASY-TO-PLEASE » et est considérée comme l’équivalent néerlandais de la construction ‘tough’ en anglais. La construction en (5), quant à elle, ne contient pas ce marqueur OM et relève selon ces auteurs d’une tout autre construction, qu’ils appellent « l’infinitif modal ». Je montrerai que ces deux structures correspondent à deux hypothèses différentes sur la construction ‘tough’ proposées pour l’anglais et donnent lieu à une délimitation différente de la classe des adjectifs ‘tough’.
Bennis, H. & P. Wehrmann. 1987. “Adverbial arguments”. Linguistics in the Netherlands.
Berman, A. 1973. “A Global Constraint on Tough-Movement.” Papers from the Ninth Regional Meeting of the Chicago Linguistic Society, University of Chicago, Chicago, Illinois.
Broekhuis, H. 2013. Syntax of Dutch. Adjectives and Adjective Phrases. Amsterdam: University Press.
Canac Marquis, R. 1996, “The Distribution of à and de in tough-constructions in French”, in Karen Zagona (ed.) Current Issues in Linguistic Theory 133, 35–46. Amsterdam: John Benjamins.
Chomsky, N. 1977. “On wh-movement”. In Peter Culicover, Thomas Wasow, Adrian Akmajian (eds.), Formal syntax, 77-132. New York: Academic Press.
Haspelmath, M. 1989, “From Purposive to Infinitive – A Universal Path of Grammaticization”, Folia Linguistica Historica X(1–2), 287–310.
Hicks, G. 2009. “Tough-Constructions and Their Derivation.” Linguistic Inquiry, vol. 40, no. 4, 535–566.
Keine, S. & E. Poole. 2017. “Intervention in Tough-Constructions Revisited.” The Linguistic Review, vol. 34, no. 2, 295–329.
Huot, H. 1981. Constructions infinitives en français : Le subordonnant de. Genève : Droz.